I'm the bad guy (Aspen)

En temps normal, ce genre de pratiques et exercices ne te gênent pas. Et que les binômes soient laissés libres ou bien imposés, tu t’en contrefiches pas mal. De toute manière pour ta part, ça finit toujours imposé pour toi, n’ayant pas forcément d’affinité particulière du côté des spécialistes, faut bien que quelqu’un tranche pour toi. Et non, vraiment, d’habitude c’est loin d’être un problème. Sauf quand le binôme en question est une tête de con que tu dois te coltiner encore et encore.
Tu tentes depuis le début de l’exercice de garder la tête froide. Et venant de toi, c’est presque drôle. Mais c’est qu’il est à deux doigts de te faire sortir de tes gonds, le bougre. Ahhh, s’il y a bien quelque chose que tu ne peux pas lui reprocher, c’est qu’il est bon dans son domaine. Enfin tu présumes, t’y connais pas grand-chose en spécialistes, en vérité. Mais il est aussi mauvais, voire pire que toi, en travail d’équipe. Et, comme si ça ne suffisait pas, il ne fait aucun effort pour que ça se passe réellement bien. À croire que c’est fait exprès. Que ça l’amuse d’être imbuvable.

Nouvelle tentative. Encore. Et tu dois bien avouer ne plus être aussi réceptif qu’au début. Sûrement parce que son attitude suffit à te déconcentrer tant ça t’agace. Car pour ta part, à défaut de feindre la sympathie, tu restes neutre. Contrairement à lui qui te fait ouvertement sentir qu’il y a un problème. Nouvel échec. Peut-être que ça aussi, ça te frustre plus que de raison, toi qui es si exigent envers toi-même, qui n’aime pas ne pas réussir, ne pas progresser. Achille qui se retrouve sur la trajectoire de ton sort, et est blessé. Pas certain de savoir qui a réellement merdé dans l’exécution pour en arriver là, pourtant tu pars du principe que c’est ta faute. Ta magie, ta responsabilité. «-Putain !» Qu’il gronde. «-Merde…» Renchéris-tu, plus pour toi-même qu’à son intention.
Parce que t’es quand même pas mauvais dans le fond, tu t’approches pour constater, et éventuellement filer un coup de main. Mais on est le roi des cons ou on ne l’est pas, n’est-ce pas ? Achille se recule, et te fait très bien savoir que ce n’est pas la peine, que ton aide, tu peux bien te la garder. «-C’est bon, c’est rien !» Soit alors. Qu’il se démerde. «-T’es au courant que je compte pas te bouffer ?» Râles-tu, en espérant que ça décharge une partie de ton agacement. Pas très fructueux à vrai dire.

Tu recules donc, le laisses dans son coin, ce loup encore plus solitaire que toi. Léger mouvement de la main qui permet de créer un tout petit morceau de glace, comme un glaçon, qui finit entre tes lèvres. Avec un peu de chance, ça au moins ça va faire redescendre la pression. Le froid sur ta langue, qui se répand lentement, c’est une sensation dont tu ne te lasses jamais. T’aimes le froid, c’est un fait. Mais le temps passe et te semble long. Tu tournes la tête vers lui et soupires un peu. «-Bon. On fait quoi, là, du coup ? J’ai pas tellement envie d’attendre jusqu’au coucher du soleil comme ça. Je sais que c’est beau, le ciel et tout… Mais bon…» Balances-tu, un peu las de la situation.